mercredi 11 mars 2009

Le camerounais Emmanuel BITYEKI, mathématicien du football

Informaticien, il est l’inventeur d’une théorie scientifique sur le football

Emmanuel BITYEKI dans son bureau d'Infotel Infonet

Certains le présentent comme le tout premier informaticien camerounais. Il est aussi et surtout l’inventeur d’une théorie qui se veut quasi-révolutionnaire: les fondements mathématiques du football. Une invention dont la notoriété dans les milieux du football a été entachée par un retentissant procès l’opposant à Gérard Houiller et la fédération française football. Après ce triste épisode, l’ancien député s’est converti aux affaires en ouvrant un centre de formation aux métiers de l’informatique et de la comptabilité.

Les fondements mathématiques du football
« La théorie a fait ses preuves et les gens le reconnaissent ». C’est avec une fierté toute déclarée qu’Emmanuel Bityeki évoque les fondements mathématiques du football. Une théorie élaborée en 1993 « à partir de la cinématique, une branche des mathématiques qui s’intéresse aux mouvements des solides ». Emmanuel Bityeki explique que le football met en mouvement des solides particuliers : le ballon, le partenaire et un adversaire. Tous ces mouvements sont définis par des algorithmes mathématiquement cohérents. Lorsqu’il élabore cette théorie inédite dans l’analyse du sport roi, sa découverte suscite la curiosité chez la plupart des entraîneurs de football. L’inventeur est lui-même convaincu qu’il vient là, de mettre sur pied une puissante arme dont pourront se servir les lions indomptables pour gagner leurs matches de football. C’est pourquoi, il fait parvenir au ministère des sports une cassette vidéo et une brochure mettant en démonstration sa théorie. Les fondements mathématiques du football devaient voler à la conquête du monde fait savoir Emmanuel Bityeki. Surtout qu’il est vivement attristé par la contre-performance de l’équipe de France face à Israël peut-on lire dans la lettre qu’il transmet à l’ambassadeur de la République Française au Cameroun en 1993. Il prend aussi contact avec Gérard Houiller, alors directeur technique national de l’équipe de France. Il est alors loin d’imaginer que ce contact va déboucher quelques années plus tard sur un procès judiciaire. En effet, après la victoire de la France à la coupe du monde de 1998, il saisit Aimé Jacquet qui a succédé à Gérard Houiller. J’aurai néanmoins souhaité être mieux associé à votre victoire qui est aussi un peu la mienne écrit-il. Le courrier de Monsieur Houiller concerne seulement monsieur Houiller. Personne à la Fédération Française de Football n’a eu connaissance de vos travaux. Je suis par ailleurs surpris que vous ayez attendu 5 ans pour vous inquiéter de la suite donnée à votre envoi lui rétorque Jean Pierre Morlans, Directeur technique national adjoint de la Fédération Française de Football (FFF). L’informaticien camerounais va finalement porter plainte contre Gérard Houiller et la FFF pour « escroquerie, abus de confiance ». Le juge Claudine Enfoux chargé de l’affaire va prononcer un non lieu au tribunal de grande instance de Paris le 27 Février 2003. Ayant perdu ce procès, Emmanuel Bityeki va saisir la FIFA. Malheureusement pour lui, la FIFA va déclarer qu’elle ne peut intervenir que dans un conflit qui oppose deux fédérations. C’est ainsi que Walter Gagg, directeur des stades et de la sécurité de la FIFA qu’il saisit lui demande de contacter la FFF. « Pour que la Fifa se saisisse de l’affaire, il fallait que j’ai le soutien de la Fécafoot » raconte Bityeki. Un soutien qu’il n’aura manifestement jamais. Je ne peux plus rien aujourd’hui. J’ai publié le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris pour que chacun se fasse une opinion de cette affaire. Pour ma part, je trouve que c’est scandaleux.

Emmanuel BITYEKI en pleine démonstration

Mais Les fondements mathématiques du football ne sont pas le seul fait d’armes de l’ancien député dans le domaine du sport. Entre 1986 et 1988, il est vice-président du Tonnerre Kalara Club de Yaoundé. Avec cette équipe, il remporte 2 fois le championnat et la coupe du Cameroun. En 1988, il est fait président du sporting club de Yaoundé et devient la même année président de l’ASC Prévoyance. En 1994, c’est en qualité de Directeur Technique de Tonnerre Kalara Club de Yaoundé qu’il conduit le club à la finale de la coupe du Cameroun avec comme joueur, Roger Milla. En 1994, il effectue un stage Futuro d’entraîneurs en France. Il est aussi désigné comme président d’honneur de l’association camerounaise des entraîneurs de Football. En 1999, il effectue un autre stage en France à Clairefontaine sous la direction d’Aimé Jacquet. Ce qu’il vise en multipliant ces formations, c’est un moyen pour lui de « comprendre le langage des entraineurs de football pour mieux leur expliquer ma théorie », les fondements mathématiques du football. C’est d’ailleurs cette fameuse théorie qui lui ouvre les portes de l’Institut National de la Jeunesse et des Sports (INJS) de Yaoundé en1999. Il y est nommé professeur vacataire des mathématiques appliquées au football.

Informaticien de première heure
Né le 24 Octobre 1944 à Enongal, Emmanuel Bityeki est, à en croire quelques proches, le tout premier informaticien camerounais. Il est en effet diplômé de la prestigieuse Ecole Centrale de Paris. Pendant 2 ans, il exerce à Paris notamment comme Ingénieur Conseil en Informatique à IBM. Lorsqu’il rentre au Cameroun, il est nommé directeur général adjoint à l’Office National des Ports du Cameroun (ONPC) en 1975. Un an plus tard, il est arrêté puis transféré à la tristement célèbre prison de Tcholliré. Un séjour particulièrement difficile de prisonnier politique qui lui inspire un roman intitulé Tcholliré la colline aux oiseaux. Un livre décapant dans lequel il décrit la rudesse des conditions de détention. Ceux qu’on arrête aujourd’hui dans le cadre de l’opération épervier doivent se réjouir d’avoir des avocats pour les défendre. A l’époque, je ne savais même pas pourquoi on m’arrêtait. On m’a accusé de subversion contre l’Etat mais je ne peux pas vous dire moi-même ce que j’avais fait se rappelle à ce jour Bityeki.

Emmanuel BITYEKI
Sur les sentiers de la politique
En 1990, à la faveur de l’ouverture démocratique, Emmanuel Bityeki s’engage en politique. « J’ai décidé de participer à la situation politique » fait-il savoir. Il choisit alors de militer pour l’Union des Populations du Cameroun (UPC). « L’UPC Kodock » précise t-il. L’engagement politique lui réussit puisqu’il est élu en 1992, député du Mbam. En 1997, il se présente à nouveau mais sans succès cette fois là. Une défaite qu’il accepte avec beaucoup de philosophie : Vous savez, la politique, c’est un jeu démocratique. Chacun utilise les armes dont il dispose analyse t-il. En 2002, il part de l’UPC pour le social Democratic Front (SDF). Une transhumance politique qu’il explique laconiquement : « Je pensais que je pouvais mieux aider le Cameroun en jouant cette carte ». C’est donc naturellement qu’il soutient John Fru Ndi aux élections présidentielles de 2004. Malgré le bruyant départ de celui-ci de la coalition de certains partis d’opposition. Le leader du Sdf va tenter une échappée en solitaire. E.Bityeki s’explique cette année là dans les colonnes du quotidien privé Le Messager : Le Sdf était devant un dilemme. Devait-on rejeter ces personnes ou quitter la Coalition assez tôt ? Mais, on a fait le tour des provinces pour tester la popularité du Sdf et du chairman en particulier. On a constaté que le Sdf et le chairman étaient ceux qui animaient les marches qu’on a organisées dans les 10 provinces. On a pensé que les autres allaient s’en rendre compte et dire “consolidons le chairman pour le présenter comme candidat à la présidentielle. Mais, l’échec sera à nouveau au rendez-vous de cette aventure politique. Trois ans après cet échec, Emmanuel Bityeki décide de quitter le Sdf pour…nulle part. « Je suis en retraite » nous fait-il savoir.

Retour aux sources
Une « retraite » ou plutôt une mise en réserve politique qui lui permet désormais de se consacrer au centre de formation Infotel-Infonet qu’il a créé en 2000. « C’est un tableau d’Epinal. Il faut que je m’occupe pendant ma retraite tant que je suis encore fort ». Le lancement de ce centre n’aura pourtant pas été chose facile. « Il a fallu épargner centime par centime pour équiper le centre ». Il s’agit en fait un centre de formation professionnel dans les métiers de l'informatique et de la comptabilité. Il s’emploie au quotidien à faire de ce centre, un pôle d’excellence en matière de formation en Informatique à Yaoundé. Une manière de mettre son expertise au service de la jeunesse. Toute chose qu’il avait commencé à faire en écrivant l’ouvrage L’informatique à la portée de tous publié aux éditons de la Société d’Edition des Presses du Cameroun (Sopecam).
Quand à un éventuel retour aux affaires, Emmanuel Bityeki est embarrassé lorsqu’il faut en parler. « Vous les journalistes, vous aimez trop spéculer. L’attribution des postes est discrétionnaire c'est-à-dire arbitraire. Pourquoi voulez-vous que je parle de ce qui n’est pas » dit-il mentionnant au passage qu’il continue d’être victime de son emprisonnement à Tcholliré en 1976. « Vous voyez qu’on ne me nomme pas. C’est aussi un peu pour cela ». Même dans le domaine du sport où il a quelque expertise, il n’espère pas rebondir. « Vous savez même comment fonctionne les milieux du football au Cameroun ? Si la Fécafoot ne peut pas faire ce qui est simple (lui donner sa caution dans l’affaire l’opposant à Gérard Houiller et la FFF, Ndlr), pourquoi voulez-vous que je spécule sur d’autres choses » s’interroge t-il.
Dans le regard perçant de l’informaticien de soixante ans se cache l’immense déception d’un théoricien qui aurait voulu que sa découverte lui confère une reconnaissance internationale. En attendant qu’un jour peut-être le destin puisse accéder à cette importante doléance qui l’a toujours animée, il est retourné à sa première expertise, l’informatique dont il partage le savoir avec plusieurs jeunes camerounais.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire