mercredi 18 février 2009

Message à la jeunesse: L’ADDEC répond à Paul Biya


Elle interpelle le président sur des "questions graves qui hypothèquent la cohésion du Cameroun"

Les décisions de Paul Biya s’illustrent par des tendances de plus en plus prononcées à l’érection de l’appartenance ethnique et régionale en critère prédominant d’allocation des ressources nationales, de rétribution et de sélection y compris dans les domaines requérant exclusivement la compétence managériale ou intellectuelle.
Addec


Quelques jours après l’adresse du président Paul Biya à la jeunesse camerounaise, l’Association de Défense des Droits des Etudiants (Addec) a réagi en écrivant une correspondance publique au chef de l’Etat. Une correspondance pour l’interpeller sur sa gestion des valeurs telles que l’intelligence, la compétence, l’égalité des chances pour tous, mais aussi à la gestion de la diversité ethnique et des identités régionales. Pour l’Addec, les décisions de Paul Biya s’illustrent par des « tendances de plus en plus prononcées à l’érection de l’appartenance ethnique et régionale en critère prédominant d’allocation des ressources nationales, de rétribution et de sélection y compris dans les domaines requérant exclusivement la compétence managériale ou intellectuelle ». Une allusion toute faite à la décision du président de faire admettre à l’Ecole Normale Supérieure de Maroua, tous les candidats originaires du Septentrion présélectionnés par le ministère de l’enseignement supérieur. Une introduction par effraction des ressortissants du Grand Nord dans la liste des candidats définitivement admis à l’ENS de Maroua selon l’association estudiantine.

Se faisant plus précise, l’Addec écrit : Le sacrifice du mérite et de la compétence sur l’autel des considérations ethno régionales n’est certes pas une pratique nouvelle dans votre mode de gouvernement, mais c’est avec l’affaire de l’Ecole Normale Supérieure (ENS) de Maroua (que vous évoquiez d’ailleurs dans votre discours sur un air d’autosatisfaction) que l’on a récemment franchi la ligne rouge. Elle s’émeut de ce que le chef de l’Etat, dans son discours à la jeunesse du 10 Février 2009, ne se soit pas étendu sur les « valeurs patriotiques » ou les conceptions des principes d’«égalité des chances », de « compétence » et de « compétitivité » (évoqués dans votre discours !) qui ont présidé à l’admission de la totalité des 4952 « ressortissants du Grand Nord » qui, du seul fait de leur origine et par la magie d’une décision politique, ont été ajoutés aux 2 200 « simples » camerounais retenus quant à eux sur la base du mérite. L’admission de ces intrus est une prime à la paresse, à la médiocrité et au culte du moindre effort. Elle participe d’une logique de distribution de strapontins et de rentes de situations à quelques uns plutôt que d’une politique de redistribution saine des ressources. Plus grave encore, le syndrome de Maroua fait peser le risque d’une désintégration de la Nation, conséquence d’une éventuelle dynamique à rebours et d’une régression vers l’ethnie fait observer l’Addec.


L’admission de ces intrus est une prime à la paresse, à la médiocrité et au culte du moindre effort. Elle participe d’une logique de distribution de strapontins et de rentes de situations à quelques uns plutôt que d’une politique de redistribution saine des ressources. Plus grave encore, le syndrome de Maroua fait peser le risque d’une désintégration de la Nation, conséquence d’une éventuelle dynamique à rebours et d’une régression vers l’ethnie.
Addec


"Comme de tradition, vous vous êtes occupé à faire vivre, dans un discours d’autosatisfaction, des statistiques ainsi qu’un train de mesures, de décisions et de réalisations sinon incantatoires, du moins inexistantes et invisibles dans le quotidien angoissant d’une génération en proie au désarroi" fait remarquer l’association estudiantine qui n’épargne pas le bilan élogieux dressé par le président camerounais quand aux progrès accomplis par l’enseignement supérieur au Cameroun. Dans son discours, Paul Biya indiquait qu’ « au plan des infrastructures, il serait fastidieux d’énumérer les multiples réalisations qui ont été achevées ou mises en chantier au bénéfice de nos universités ». « Sachez qu’il s’agit de bâtiments académiques, de laboratoires, de bibliothèques, d’amphithéâtres et de blocs pédagogiques et j’en passe » avait-il martelé mais pour l’Addec,

les universités camerounaises que nous fréquentons souffrent toujours d’un manque criard d’infrastructures, d’une insuffisance et d’un vieillissement du personnel enseignant (officiellement 2.179 enseignants dont la moyenne d’âge est de 47ans pour 115.710 étudiants). Les bibliothèques et les laboratoires – là où ils existent – sont désoeuvrés. La médiocrité et l’obsolescence des enseignements dispensés ainsi que leur inadéquation révoltante par rapport aux exigences locales de développement n’ont pas pris fin avec l’introduction du système LMD.
Addec


L’Addec souhaite pour finir que le chef de l’Etat appelle à l’ouverture d’un Grand Débat national sur les valeurs qui fondent la République et le vivre ensemble. Un débat auquel tous les secteurs d’activités et l’ensemble de l’opinion nationale (la société civile, les partis politiques, la communauté estudiantine et toute la communauté universitaire, etc.) devraient prendre part, afin de se prononcer sur les grands enjeux de l’heure et sur les graves hypothèques qui pèsent sur la cohésion de la Nation ainsi que sur le modèle de société que l’on entend léguer à la jeunesse camerounaise et à la postérité toute entière