dimanche 4 mars 2012

Quand les médias et Internet crédibilisent un processus électoral




Le Sénégal vient de nous donner une raison d’être fier de l’Afrique. Ils sont allés, à plus de 50 %, voter pour choisir leur président. Les candidats, quand à eux, ont suivi et accepté les résultats. Même si, l’on a vu quelques partisans zélés du président sortant tenter de jongler avec les chiffres. Des chiffres qui ont mis le président sortant Abdoulaye Wade et son ancien Premier ministre Macky Sall à une petite distance de huit points. Les envoyant au second tour d’une élection que toute l’Afrique suivra avec attention. Le Sénégal sauve l’honneur de l’Afrique car, on est loin des truquages, des revendications éculées de victoire avant les chiffres officiels et loin des scores faramineux qui ressortent parfois au premier tour des élections présidentielles en Afrique.

Ce qui vient de se passer au Sénégal est le fait de la maturité des Sénégalais et de leurs hommes politiques qui ont une réputation à conserver même si celle si a été écorchée par l’obstination du président sortant à imposer sa candidature malgré l’extrême controverse que cela a soulevé. Il faut néanmoins dire que le mérite de cette transparence revient aux médias et à Internet. Le soir du 26 février 2012, nous avons regardé deux chaines de télévision sénégalaises pour suivre l’évolution de la situation : la RTS1, télévision d’Etat et, la TFM, une chaîne privée. Ils avaient déployé des journalistes dans plusieurs bureaux de vote et retransmettaient les résultats en temps réel. Comme dans un match de football. Dans le même temps, un réseau d’observateurs des élections a mis sur pied un site Internet où les collaborateurs du site publiaient les tendances minute après minute. Assis devant notre téléviseur, nous avions l’impression que nous suivions un vrai match de football, le cœur battant à l’annonce de chaque résultat. Premier constat, les chiffres annoncés sur la RTS1 et la TFM étaient les mêmes, traduisant la vérité des urnes. Autour de 22 heures, il était déjà évident qu’un second tour se profilait entre Wade et Sall. Et, les journaux écrits sénégalais n’ont fait que confirmer la tendance le lendemain.

Comment dès lors aurait-on pu avoir un résultat différent ? Les médias et Internet, en dessinant clairement la tendance sortie des urnes, ont permis d’étaler à la face du monde le vrai résultat de l’élection ; rendant difficile sinon impossible la tricherie et la déformation de la volonté populaire. En cela, ils sont joué un rôle de chien de garde qui leur sied si bien. C’est aussi cela qui a fait la force de l’élection.
Toute expérience positive étant une leçon pour soi, cela nous amène à nous pencher sur le cas de notre cher pays qu’est le Cameroun. Comment se fait-il qu’une chape de plomb soit maintenue sur la procédure de publication des résultats ? Pourquoi va-t-on jusqu’à interdire à Elections Cameroon (Elecam), l’organe en charge de l’organisation des élections à publier les tendances. Pourquoi faut-il entendre une semaine (parfois plus) avant d’avoir les premiers chiffres ? Bien sûr, même finalement l’élection est propre, tout cela laisse prospérer l’idée que le pouvoir a intérêt à entretenir le flou pour des besoins de truquage. Fort heureusement, le gouvernement est en train de consulter les forces vives de la Nation pour rédiger une proposition de code électoral unique. L’occasion est belle de s’inspirer de l’exemple sénégalais. Il faut permettre à Elecam de publier les tendances. Il faut, comme l’a proposé l’ambassadeur de France au Cameroun, Bruno Gain, publier progressivement les résultats dès la fermeture des bureaux de vote.
Les temps sont en train de changer. Le mystère et l’opacité ne peuvent plus gouverner la société et, plus important, un processus aussi majeur qu’une élection. L’avènement d’Internet est en train de bouleverser la tendance. La circulation de l’information est plus que jamais rapide et infreinable. Il faut s’y faire. Dans quelques années, dans chaque région du Cameroun, il y aura des Camerounais connectés sur Internet capables de dire ce qui se passe dans l’arrière pays. Qu’on le veuille ou non, les médias, de plus en plus nombreux, ne s’empêcheront plus de donner les tendances. L’évidence, c’est que pour frauder, il faudra le faire au su et au vu de tout le monde.