mercredi 25 novembre 2009

Marafa Hamidou Yaya: Un pétrolier dans les arcanes du pouvoir


Ingénieur en pétrochimie diplômé aux USA, il siège sans discontinuer au gouvernement depuis 17 ans



"Habilité politique". Alain Blaise Batongué, journaliste et scrutateur politique camerounais, n'avait pas hésité à flanquer cette qualité à l'actuel ministre d'Etat, chargé de l'administration territoriale et de la décentralisation. C'est sûr, sa personnalité inspire de la curiosité et de la fascination. Au point que des rumeurs incontrôlées et tenaces circulent à son sujet. Entre les histoires de mœurs, ses prétentions présidentielles présumées, ses entrées supposées au sein de la rédaction du magazine Jeune Afrique, son poids politique dans le grand Nord et ses accointances supposées avec les autorités françaises actuelles ( Selon le magazine panafricain Africa International, il avait organisé une cérémonie discrète pour fêter la victoire de Nicolas Sarkozy à l'élection présidentielle), sa fortune et ses biens immobiliers font parfois les choux gras de la presse. Tout comme ses actes de gestion au sein du gouvernement et même au-delà.

Né en 1952, Marafa Hamidou Yaya obtient une Licence en Géologie à l'Université de Yaoundé en 1976. Il s'envole en direction des Etats-Unis à la suite d'un concours lancé par l'African-American Institute (AAI). Titulaire d'un masters of science in petrolum engineering à l'université du Kensas, son université va lui confier parallèlement, de 1978 à 1980, un poste d'assistant de recherche qu'il mettra à profit, à l'université de Yaoundé I, à son retour au Cameroun. Recruté comme Ingénieur de pétrole à Elf Serepca de Mai à Septembre 1980, il devient chef de département "exploitation-production" à la société Nationale des Hydrocarbures (SNH) du Cameroun. Il y exerce aussi comme conseiller technique entre 1990 et 1992.


Issu de l’aristocratie peule de Garoua (Nord), "aussi fin que discret", Marafa Hamidou Yaya, n'entrera véritablement en politique qu'au début des années 1990. Il aurait été remarqué par Ebénézer Njoh Mouelle, alors conseiller à la présidence de la République. Nommé chargé de mission de la délégation Rpdc aux législatives de 1992, il devient membre titulaire du comité central dès juillet de la même année. Il aurait même participé à la rédaction de la partie technique du programme du président Paul Biya aux élections présidentielles d'Octobre 1992. Quatre ans plus tard, il devient membre du bureau politique du parti au pouvoir. Son entrée en politique lui ouvre les portes du gouvernement qu'il n'a plus quitté depuis 17 ans. Dans le gouvernement du 27 Novembre 1992, il est nommé secrétaire d'Etat N°2 aux Finances. 2 ans seulement après, il est promu conseiller spécial à la présidence de la République. Au lendemain de l'élection présidentielle, le président Paul Biya le nomme secrétaire général de la présidence de la République. Il bat un record de longévité à ce poste en y passant presque 4 ans. Un poste où la moyenne de longévité se situe autour d'un an et demi. Ministre d'Etat depuis 2001, Marafa Hamidou Yaya s'occupe actuellement de l'administration territoriale et de la décentralisation. Le ministère de l'Intérieur. Un poste stratégique qui l'a souvent mis sous le feu des projecteurs. Notamment après les émeutes de Février 2008 où il accuse John Fru Ndi, leader du Social Democratic Front (SDF), principal parti d'opposition, d'avoir commandité une "opération Kenya". La presse s'en délecte et fustige à la fois. Tout comme du procès que va lui intenter l'accusé, John Fru Ndi.

Président de la commission nationale du Hadj, Marafa Hamidou Yaya est parfois mis à mal dans la presse pour sa gestion des voyages des musulmans et pèlerins camerounais à destination de la Mecque. Toutefois, on peut lui reconnaître un courage et une certaine audace dans ses initiatives. Il a par exemple décidé, quitte à provoquer le courroux de ses camarades du parti au pouvoir, d'obliger les maires à résider dans les communes qu'ils dirigent. Conformément à la loi selon laquelle «nul ne peut être candidat aux élections municipales s’il ne réside effectivement sur le territoire de la commune concernée».

 

Son ancrage politique dans le Nord du pays fait aussi débat.Il a réussi à conforter sa position de leader politique du nord du pays face à la puissante famille Hayatou, qui règne sur le lamidat (chefferie traditionnelle) de Garoua pensent certains. Son envergure politique dans cette région, de laquelle est issue le premier président camerounais, Ahmadou Ahidjo, ne semble pas du goût de tout le monde. Certains ont même vu dans la nomination de Issa Tchiroma Bakary, originaire de la même ère géographique que lui et actuel ministre de la communication, une subtile manœuvre visant grignoter son prestige politique.

Cet ancien enseignant d’hydrologie à la faculté de sciences de l’université de Yaoundé serait peut-être mort, il y a 25 ans. Il avait été interpellé lors de la vague d'arrestations ayant frappé certains ressortissants du septentrion du Cameroun, au lendemain du coup d'Etat manqué du 6 Avril 1984 contre Paul Biya. Il aurait eu la vie sauve grâce à son épouse Jeannette Njanga, Cette nuit-là, Marafa Hamidou Yaya fut extrait du camion à la suite d’une supplique de sa jeune épouse... Le camion était en partance pour Mbalmayo quelques jours après le putsch manqué du 6 avril 1984 pour des exécutions sommaires des mutins et leurs complices. C’est Gilbert Andzé Tsoungi de regrettée mémoire, alors ministre des Forces armées, sensible à la supplique de la jeune dame qui aurait pris la décision de faire descendre du camion celui que ses camarades ont connu aux Etats-Unis comme l’étudiant Hamidou Yaya raconte une source.

Aujourd'hui, l'épisode est dans le rétroviseur et Marafa n'est plus un homme à abattre. Du moins, officiellement. Une chose est sûre : c'est sans conteste l'un des poids lourds du gouvernement et du parti au pouvoir. Rêve t-il d'un destin national plus imposant que celui qu'il a connu jusqu'ici ? A la résidence de l'ambassadrice des Etats-Unis au Cameroun, lors de l'investiture de Barack Obama, alors qu'il regardait passionnément le charismatique président prêter serment, à quoi pensait-il ? Il n'a jamais déclaré publiquement qu'il rêvait du fauteuil suprême même si certains observateurs s'accordent à le penser. Quoiqu'il en soit, il faudra compter avec lui le moment venu. Car, même s'il n'est pas " le successeur présomptif des français" après Paul Biya, il pèse d'un certain poids et son carnet d'adresses national et international pourrait être décisif. Un atout pour un homme qui a été secrétaire général de la présidence de la République, ministre pendant près de deux décennies et qui a flirté avec les milieux du pétrole. Où se décide parfois, l'issue des élections en Afrique. Même s'il y en a qui protestent. Comme le gabonais Bruno Ben Mubamba qui a décidé de manifester devant le siège de la compagnie pétrolière TOTAL en France parce qu'elle aurait imposé Ali Bongo à la tête du Gabon. Just wait and see.