vendredi 18 octobre 2013

MARAFA - KAMTO : LES NOUVEAUX METRONOMES...

Il ne faut pas être sorcier ou devin pour constater que le Cameroun suffoque. Ce pays là ploie sous le poids d’un leadership usé, sinon suranné. On n’y attend plus quasiment plus rien de neuf. Il y a là-bas, un jeu de scène calibré où les acteurs et le scénario sont toujours connus d’avance. Quand il y a des nominations, c’est pour qu’on rappelle un tel qui eût servi quelques années ou décennies plus tôt. Quand il y a une élection, on n’attend plus que le taux de participation. L’architecture du résultat étant déjà élaborée. C’est une République bloquée où ne s’alternent plus que des scandales de gouvernance et des crises de leadership dans le milieu du football, lui-même ankylosé par l’implication trop voyante du pouvoir politique. Un pouvoir qui ne sait plus quel laxatif offrir au peuple pour le purger de son indigestion politique. Mais..... Mais, depuis quelques mois, deux hommes ont commencé à s’imposer dans cette ambiance suffocante où le besoin d’un nouveau leadership et l’aspiration au changement sont urgents et pressants. Marafa Hamidou Yaya, ministre d’Etat et ancien ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation ; et Maurice Kamto, ancien ministre délégué à la Justice font de plus en plus parler d’eux. Le sort a voulu que ces deux hommes là se côtoient pendant quelques années, appelés aux responsabilités par la Nation. Juriste et Ingénieur en pétrochimie, Kamto et Marafa serviront le Cameroun à leurs façons. Au-début des années 1990, quand l’ouverture politique s’impose, Marafa choisit de servir un régime qui ne tient plus qu’à un fil, au risque d’être balayé par le vent qui souffle un peu partout en Afrique. Maurice Kamto lui, s’illustre par une rare virulence. Les deux hommes prennent donc des chemins opposés. Si Kamto est la parfaite épouse de l’instant, Marafa prend le risque d’essuyer la défaite que dicte la soif du changement. Mais, Kamto va intégrer le collège d’avocats qui constituent la défense du Cameroun dans le procès qui oppose ce pays au Nigeria dans le conflit territorial à propos de la péninsule de Bakassi. La prestation de Kamto lui vaudra un poste dans le gouvernement camerounais en tant que ministre délégué auprès du ministre de la Justice. Marafa et Kamto auront donc l’occasion de se côtoyer dans ce banquet des responsabilités. Jusqu’à ce que l’après-Biya commence à devenir un sujet d’intérêt. Chacun choisira sa méthode. Marafa qui a été un proche collaborateur sait ce que cela coûte de démissionner. Il sait très bien ce qui est arrivé à Titus Edzoa qui, comme lui, a occupé le poste de secrétaire général de la présidence de la République. Il évite donc le coup d’éclat d’une démission même s’il se singularise en refusant de participer avec ses collègues du gouvernement aux dédicaces des éditions de « Paul Biya, l’appel du peuple ». Il n’hésite pas toutefois à donner des avis osés au chef de l’Etat et à mûrir ses réseaux dans la perspective d’une élection présidentielle où Paul Biya ne serait pas candidat. Ses dernières années dans le gouvernement seront rudes : les soupçons s’accumulent et les notes de renseignement pleuvent. Il est présenté comme le préféré des grandes puissances. L’homme qui veut déstabiliser le Cameroun pour prendre le pouvoir. Ses détracteurs se déchainent. Dans la presse, il est victime des accusations incendiaires. On le mêle aux histoires des mœurs. Un journal lié à un lobby qui le combat n’hésitera pas à déclarer qu’il est à la tête d’une armée de 6000 hommes. Marafa est harcelé. Il ne va craquer qu’en étant reçu par le directeur du cabinet civil de la présidence de la République, comme il le révèle dans l’une de ses lettres. Celui-ci lui demandera s’il a l’intention d’être candidat contre Paul Biya. Il va craquer et fera savoir qu’il ne veut plus être dans le prochain gouvernement. Quelques mois plus tard, malgré les nuances du même directeur du cabinet civil, Marafa sera débarqué. Avant d’être poursuivi et condamné, en l’absence de preuves, pour « coaction intellectuelle de détournement » des fonds publics. Un verdict historique ! Autant que le sont les motifs de sa condamnation. Le symbole de la démission Maurice Kamto lui, n’a pas les mêmes contraintes. Après tout, il n’a été que ministre délégué. Il n’est pas cadre du parti au pouvoir. Il n’a pas vraiment fréquenté Paul Biya qui ne le connait que de très loin. Il peut donc démissionner sans que cela n’apparaisse comme un défi pour le tout puissant président de Yaoundé. Même si, sa démission donnera lieu à des controverses. Il y a dans quelques salons feutrés, ceux qui évoquent l’idée d’une candidature suscitée par le pouvoir afin de casser les illusions de l’axe Nord-Sud. Et geler les certitudes de certains barons du Nord estimant qu’il est temps que le pouvoir leur revienne. Ainsi que l’aura révélé Wilieaks, rapportant les propos d’Amadou Ali : « Le Septentrion soutiendra Biya aussi longtemps qu’il voudra rester président, selon les prédictions d’Ali, mais n'accepterait pas un successeur qui soit un autre Béti/Bulu, ou un membre du groupe ethnique Bamiléké, aux puissantes assises économiques. ». Mais, comment ne pas relever les insinuations qui ont surgi plus tard et relayées par la "La lettre du continent" qui a alors écrit ceci : « la présidence camerounaise ne devrait pas hésiter à sortir les dossiers noirs pour tenter de neutraliser les ambitions de l'ancien ministre délégué. En poste auprès de l'ex garde des sceaux et actuel vice-premier ministre chargé des Relations avec le Parlement, Amadou Ali, Maurice Kamto a été, ces dernières années, l'artisan de la reforme de l'appareil judiciaire camerounaise. Or, cette dernière dotée d'un budget de quelque 60 milllions d'euros [39 millions fcfa, ndlr] a été pilotée de bout en bout par le Cabinet Brain Trust Consulting Inc., dont le Dg n'est autre que... Kamto lui-même! Un conflit d'intérêt que le palais d'Etoudi ne devrait pas tarder à agiter. » L'après-Biya.... Marafa – Kamto ? Il n’est pas improbable de les associer. Au contraire ! Depuis qu’ils sont sortis du gouvernement, l’un suite à un limogeage souhaitéée, l’autre suite à une démission ; ils ne cessent plus d’occuper une place de choix dans l’actualité politique camerounaise. Marafa Hamidou Yaya, depuis sa prison, a lancé son projet politique pour une « société de confiance ». Il s’est illustré par une série de lettres, une sortie médiatique dans le journal français "Le Monde" et une interview au journal en ligne "Slateafrique". Malgré la réprobation qu’il peut susciter pour avoir travaillé avec un Paul Biya dont l’échec est patent, Marafa suscite par ses lettres, un intérêt inédit dans la scène camerounaise. Entre ceux qui attendent de lui des révélations fracassantes sur le régime Biya et ceux qui préfèrent ausculter ses propositions souvent pertinentes, ils sont très nombreux qui frissonnent d’impatience de le lire, quand ses lettres qui sont annoncées. Pourquoi ne pas citer ici, François Soudan, : « il est indéniable que cet homme est l'un des très rares politiciens camerounais à réfléchir sereinement sur la problématique taboue de l'après-Biya en posant les vraies questions : celles de la transition démographique, du post-pétrole, des crispations identitaires, de la légitimité des institutions, de la fin de l'immobilisme et de l'avènement de cette "société de confiance" qu'il appelle de ses vœux. » Qu’il soit donc aimé ou pas, Marafa est devenu un métronome de la société camerounaise. Quand il prend sa plume, les médias se mettent en alerte et les Camerounais en débattent. Certains attendant avec impatience ses lettres mais refusant de débattre du contenu sous le prétexte qu’il aura été ministre et proche collaborateur de Paul Biya. D’autres, profitant de ses propositions pour s’équiper des outils intellectuels et des arguments politiques pour un Cameroun qui évolue résolument vers un ère du débat d’idées et de la confrontation des cerveaux. Pour ce Cameroun là, transcendant les passions et les accolades familières. Marafa est sans doute près. Près à débattre, à proposer, à discuter. Que ce serait passionnant de voir un homme d’une telle expérience sur un plateau de télé ! Confronter ses vues avec les hommes de sa trempe, loin des émotions et des intrigues. Seule certitude, Marafa est devenu un métronome. Ses sorties rythment désormais l’actualité politique au Cameroun. L'avenir.... Il y a aussi MK. Depuis qu’il est devenu président du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), Maurice Kamto est devenu une véritable coqueluche. Son aura, il faut avouer qu’il reste l’un des rares camerounais ayant gravité autour des gouvernements de Biya qui bénéficie encore d’un zeste de crédibilité, lui permettant aujourd’hui de parler avec autorité. Il n’a peut-être pas le charisme et l’expérience de l’autre métronome qu’est Marafa ; mais il reste qu’il est devenu une obsession pour bon nombre de politiciens au pouvoir qui ne rêvent que l’éteindre politiquement. Il a perdu un siège de député à l’Assemblée nationale. Il conduisait une liste dans le département du Mfoundi (principal département de la capitale politique du Cameroun). Cette défaite permettra à ses détracteurs de minimiser son importance politique. Mais, Maurice Kamto s’est imposé comme la star des dernières élections législatives. Il a osé briguer la capitale du Cameroun quand, par le passé, la plupart des opposants préféraient se replier dans leurs fiefs électoraux et ethniques. Son parti est désormais représenté à l’assemblée nationale même si son entrée en matière n’a rien du succès de certains des partis d’opposition en 1992, par rapport à leur première participation. Enfin, Maurice Kamto vient de poser un acte dont la symbolique aura un écho chez une bonne partie de l’opinion camerounaise. Il s’est fait filmer, les pieds dans les eaux d’une inondation, pour aller remercier les populations qui ont voté pour son parti. Il y a quelque chose de féérique et d’unique dans cette image. Maurice Kamto ne sera plus jamais un politique comme les autres. Comme Marafa, il est devenu, un métronome de la société politique camerounaise. Des milliers de personnes n’oublieront jamais cette image. Même si elle intervient trop tôt, parce que d’ici la prochaine présidentielle, qui peut intervenir dans 3 mois ou dans 3 ans, beaucoup de choses se seront passées. Oui, Marafa et Kamto sont les nouveaux métronomes. Marafa, autrefois puissant ministre aura appris à connaitre le Cameroun d’en bas. Le Cameroun du Camerounais ordinaire qui peut être condamné pour des raisons loufoques et gardé en prison. Oui, Maurice Kamto aura mesuré l’injustice d’une campagne injuste où l’on n’a que les moyens de sa foi et où l’on a en face, ceux à qui appartient le Cameroun, ses moyens matériels, administratifs et financiers. Marafa ne sera plus le même homme après sa défaite judiciaire fabriquée et après son séjour carcéral. Quand à Maurice Kamto, qu’importe ce qu’il sera devenu, dans quelle voiture il roulera ou dans quel duplex il passera ses nuits après avoir partagé la dure existence des Camerounais ordinaires un certain jour. Il est désormais surveillé, mieux, épié par de nombreux compatriotes qui attendent de voir ce qu’il peut apporter de nouveau au-delà des slogans et des symboles. Les Camerounais regardent Marafa et Kamto comme on regarde un attaquant d’une équipe de football. Qu’ils marquent des buts. Chacun autant qu’il peut. L’avenir est devant. Mais, il n’attend pas. Chacun doit jouer son rôle. Il n’y aura jamais deux présidents de la République. Et, finalement, pourquoi ne pas citer James Freeman Clarke qui disait : « La différence entre le politicien et l’homme d’Etat est la suivante : le premier pense à la prochaine élection, le second à la prochaine génération. » Quand bien même ils n’accéderaient pas au pouvoir, les deux métronomes, sinon l’un des deux, doit montrer qu’il n’aura pas existé politiquement que pour jouir du pouvoir. Mais pour promouvoir un idéal politique. Sait-on jamais dans ce monde si incertain de la politique….