jeudi 31 janvier 2013

Abandonner les poursuites et récupérer les fonds détournés : quels enjeux ?

L’Etat du Cameroun a donc décidé d’abandonner les poursuites contre Yves Michel Fotso dans le cadre de l’affaire portant sur le détournement de 650 millions de francs CFA à l’Autorité aéronautique civile du Cameroun. Cette décision s’adosse sur l'article 18 de la loi créant le Tribunal criminel spécial (TCS) qui stipule que: « en cas de restitution du corps du délit, le procureur général près le tribunal peut, sur autorisation écrite du ministre chargé de la Justice, arrêter les poursuites engagées avant la saisine de la juridiction de jugement ». Certes, certains juristes (notamment les avocats de Roger Ntongo Onguéné, co-accusé dans cette affaire) ont engagé la polémique en affirmant que, selon l’alinéa 3 de l’article 18 de la loi du 16 juillet 2012 modifiant et complétant celle du 14 décembre 2011 créant le Tribunal Criminel Spécial, les modalités de restitution du corps du délit sont fixées par voie réglementaire. Or, ce texte n’a toujours pas été pris. Il reste que la décision du TCS est un précédent qui fera date dans l’histoire des affaires judiciaires au Cameroun. Mais au-delà, il faut déjà s’interroger sur les enjeux de cette jurisprudence. Il convient d’abord de rappeler qu’Yves Michel Fotso reste en prison puisqu’il est actuellement sous le coup d’une condamnation à 25 ans de prison ferme dans le cadre de l’affaire de l’avion présidentiel (BBJET 2). La décision du TCS n’a donc valeur symbolique pour lui car, même si la justice l’avait à nouveau condamné dans cette affaire, elle n’aurait fait que « tirer sur le corbillard ». Mais, cette symbolique peut être source d’espoir pour ceux qui, comme Titus Edzoa, ont vu leur peine rallongée à l’issue d’un nouveau procès survenant précisément au terme de leur précédente peine. Et si Yves Michel Fotso remboursait aussi dans l’affaire BBJET2, recouvrerait-il la liberté ? C’est la question que bon nombre d’observateurs se posent. Il est vrai, ce serait l’une des exceptions (il y en a eu d’autres impliquant des personnalités de moindre carrure) de cette opération dite Epervier qui n’a jamais eu de pitié pour ses « clients » depuis son déclenchement. En attendant de voir ce qui se passera, l’on peut déjà prospecter deux conclusions : Si YMF rembourse et que d’autres procédures sont enclenchées contre lui, ce sera la preuve ultime que cette opération ne vise qu’à broyer ses clients. Alors, les autres personnalités privées de liberté ne rembourseront plus. La jurisprudence « remboursement contre abandon des poursuites » n’aura servi à rien. Et l’opération Epervier ne ramènera pas grand-chose dans les caisses de l’Etat. Rappelons que la décision de YMF de rembourser 230 millions de francs CFA a permis de montrer que cette opération pouvait générer des milliards de francs CFA. Tant il y a des milliardaires derrière les barreaux ! Si YMF (ou une autre personnalité) venait à recouvrer la liberté après avoir remboursé, cela inciterait plusieurs autres personnalités en détention à faire pareil. Sous réserve de ceux qui, convaincus de leur innocence et refusant de se présenter à l’opinion comme des voleurs reconnaissant publiquement leurs forfaits et donc compromettant toute carrière politique, ne se prêterait pas au jeu. Il faut néanmoins dire que cela pourrait avoir un effet beaucoup moins reluisant. Certains compatriotes, assumant des charges publiques pourraient désormais être tenté de siphonner les caisses de l’Etat pour investir dans des affaires juteuses afin de rembourser plus tard en cas de démêlées judiciaires. Là aussi, l’on peut déjà anticiper sur ce type de comportements en infligeant des amendes lourdes et des taux d’intérêt annuels sur les montants détournés à compter de la date à laquelle le forfait a été commis. Donc, pas d’inquiétudes ! D’ailleurs, s’il est vrai qu’YMF est un homme d’affaires et que ses activités font toujours florès alors même qu’il est en détention, il n’est pas sûr que tous les détourneurs aient les moyens de souvent rembourser les sommes qui leur seront imputées. Certains ont eu des trains de vie stratosphériques et n’ont peut-être plus assez de moyens pour faire comme le fils du milliardaire de Bandjoun. Si Roger Ntongo Onguéné avait les moyens de rembourser, il n’aurait pas cherché à se défausser sur YMF comme on a pu le voir le 17 janvier dernier. Il aurait proposé de rembourser pour mettre un terme à cette affaire. Pour finir, comment ne pas s’interroger sur les raisons qui pourraient amener le chef de l’Etat (c’est bien lui l’acteur principal du processus) à relaxer toutes ces personnalités au cas où elles venaient à rembourser ? Surtout après s’être montré impitoyable vis-à-vis de certains de ses anciens collaborateurs comme Titus Edzoa ? Il y a à ce propos plusieurs hypothèses : certains allèguent que, au soir de sa vie, conscient des dangers encourus par sa famille du fait des nombreux ennemis qu’il aura laissé derrière lui, le chef de l’Etat aurait décidé de desserrer l’étau en trouvant une formule permettant à ces ennemis de recouvrer la liberté tout en confessant publiquement leurs pêchés (rembourser et donc, avouer). D’autre hypothèses insinuent que, machiavélique comme à son habitude, le chef de l’Etat a décidé d’en finir avec ses collaborateurs de la manière la plus espiègle : en admettant qu’ils sont des voleurs, les ambitieux d’hier vont compromettre leurs carrières politiques pour toujours. De toutes les façons, même libres, la société camerounaise ne posera plus jamais le même regard sur les Polycarpe Abah Abah, Jean Marie Atangana Mebara et autres. D’autres hypothèses évoquent aussi que, à l’écoute des Camerounais qui ne croient plus en cette opération parce qu’elle ne ramène rien ans les caisses de l’Etat, et après l’échec des missions Jacques Vergès et Doh Collins qui n’ont rien pu trouver dans les banques européennes, Paul Biya a décidé de changer le fusil d’épaule. Enfin, d’autres hypothèses arguent que, ayant subi les pressions de certaines puissances étrangères (avec la France qui a ouvertement exprimé sa déception après la seconde condamnation de Thierry Michel Atangana) et, conscient de l’impopularité croissante de cette opération auprès de certaines communautés, le locataire d’Etoudi n’a pas voulu perdre la face en cédant sur des cas particuliers. Il a donc trouvé cette solution judiciaire dans cette opération qui réserve encore peut-être d’autres surprises. Ce qui est certain, c’est que la lutte contre la corruption telle que menée jusqu’ici n’a été qu’un échec retentissant : les détournements de fonds publics se poursuivent. Comment pourrait-il en être autrement de la part d’un régime qui a bâti sa survie sur la corruption et l’inertie ?

mercredi 30 janvier 2013

Mon article paru dans le plus grand quotidien suisse francophone

Série de meurtres à forts relents mystiques Par Mohamadou Houmfa/InfoSud yaoundé Une série de meurtres à forts relents mystiques ont eu lieu à Yaoundé, au Cameroun Depuis deux mois, des cadavres mutilés de jeunes femmes ont été découverts à Yaoundé. Les commanditaires de ces crimes, sur requête de leur marabout, seraient proches du pouvoir «A distance, le cadavre de la jeune fille sentait déjà mauvais. Sa tête était défoncée, les policiers nous ont dit que son cerveau avait été extrait.» A coup sûr, Laurent Atangana, un riverain de Mimboman, un quartier populaire de Yaoundé, la capitale camerounaise, se souviendra du 10 janvier 2013. Avec des voisins, ils ont découvert près de l’école maternelle le corps d’une adolescente, affreusement mutilé. Et depuis deux mois, ils ne sont pas les seuls à se trouver confrontés à ces visions d’horreur dans la «ville aux sept collines», où s’entassent près de 2,5 millions de personnes. Pas une semaine ne passe sans que le corps d’une femme, âgée de 15 à 30 ans selon les légistes, ne soit découvert. Souvent étudiantes, leurs cadavres en état de décomposition sont retrouvés en pleine broussaille, les jambes écartées, certains avec les orbites et le crâne défoncés, d’autres avec les parties génitales sectionnées… Une série de meurtres qui a obligé les autorités à sortir de leur habituelle réserve. «Entre le 2 décembre 2012 et le 10 janvier 2013, une vague de crimes spectaculaires a été commise dans l’arrondissement de Yaoundé 4», a reconnu Issa Tchiroma, le ministre de la Communication. Pour lire la suite, http://www.letemps.ch/Facet/print/Uuid/f8a05d0c-6a4f-11e2-844b-40b04c431c46/S%C3%A9rie_de_meurtres_%C3%A0_forts_relents_mystiques