vendredi 20 mars 2009

Kadhafi n'est pas digne de présider l'Union Africaine !
























Décidément! Il n'en finit pas de nous servir ces pitreries et pantalonnades dont il a seul le secret. Le "Roi des Rois d'Afrique" n'en finit donc pas d'écrire, quelques pages humoristiques au carnet de l'histoire Africaine. Soit. Mais alors, comment ne pas s'en émouvoir sinon s'inquiéter lorsque, la chronique humoristique du "Guide de la grande révolution de la Grande Jamahriya arabe libyenne populaire et socialiste" se déporte dans le champs d'une actualité politique africaine déjà suffisamment tragique pour qu'on puisse en rire. En effet, le "Roi des Rois" ne s'empêche plus, depuis quelques semaines, de prendre position ,avec autorité, sur la situation politique de certains pays secoués par des vagues agités. Sous les oripeaux de président en exercice de l'Union Africaine, le colonel de 67 ans, s'impose désormais l'obligation de dire son mot sur ce qui se passe ci ou là dans un des pays africains. Normal! Il est quand même le président des présidents, le roi des rois d’Afrique. Mais alors, qui mieux que lui peut soutenir un putschiste comme il l'a fait en Mauritanie? Pas grand monde car sa trajectoire personnelle nous renseigne qu'à 27 ans, il renversa, avec un groupe d'officiers, le Roi Idris Ier qui était parti se soigner en Turquie. Qui mieux que lui peut soutenir les révisions constitutionnelles qui visent perpétuer et éterniser des chefs d'Etat au pouvoir? Très peu de personnes le peuvent autant que lui qui cumule 20 ans de pouvoir sans élection et concurrence politique dans son pays.
Séjournant récemment au Niger, où l'actualité politique est à une hypothétique révision constitutionnelle pour permettre au président Mamadou Tandja de confisquer le pouvoir jusqu'à ses derniers jours de vie, Kadhafi s'est permis de comparer une constitution à "de l'encre sur du papier". Il a simplement fustigé la limitation des mandats présidentiels. Comme toujours en pareille circonstance, l’indécrottable "guide" a cité quelques exemples qui le confortent dans cette logique. Il a notamment évoqué des pays occidentaux "qui nous ont exporté le multipartisme, les élections et la représentation [et qui] n'ont pas limité les mandats. Celui qui dirige en Grande-Bretagne qui est le Premier ministre, il n'existe pas de limites pour ses mandats comme c'est le cas pour le premier ministre italien et d'autres pays occidentaux" a t-il déclaré. Oubliant soigneusement d'ajouter que dans ces pays, l'alternance au pouvoir est régulière. Kadhafi s'est donc inspiré de ces exemples pour cautionner les révisions constitutionnelles qui sont à la mode depuis quelques temps en Afrique. Il faut donc, semble nous dire Kadhafi, laisser ces chefs d'Etat régner autant qu'ils veulent et puis peut-être, comme il aurait envie de le faire, se faire succéder par leurs enfants.
En Mauritanie où il s'est également rendu, Kadhafi a ouvertement apporté son soutien à la junte militaire parvenue au pouvoir par un coup d'Etat. Ces putschistes qui ont renversé le président démocratiquement élu, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, ne sont donc pas blâmables aux yeux du "Roi des Rois". Idée d'ancien putschiste ! Il a même été louangeur à l'endroit de l'armée qui, pense t-il, a pris le pouvoir en Mauritanie, n'a pas dissout les institutions constitutionnelles, ni changé la constitution ni les institutions, ni gêné leur fonctionnement tout comme elle n'a pas suspendu les activités politiques ni celles les partis et que leur action s'est limitée à démettre le président de son poste (entre les lignes, ça veut dire que ce n'est pas grave). Au président renversé, Kadhafi lui demande simplement d'accepter "le fait accompli et rester dans sa demeure". Sous-entendu ? Moi j'y vois un. Il doit rester chez lui pendant que la junte va organiser l'élection présidentielle. Drôle de conseil. En Lybie en tout cas, Sidi aurait sans doute préféré la posture dans laquelle il se trouve en ce moment. Car, dans le meilleur des cas, le "guide" lui aurait "remis" les clés d'un pénitencier. Un euphémisme en fait.
De ce type de leader, qui plus est, de président de l'Union Africaine, l'Afrique n'en a vraiment pas besoin. L'Afrique veut se moderniser. Les peuples veulent choisir librement leurs leaders. Les africains veulent aussi une réelle démocratie, afin que puissent émerger des Barack Obama, sur leur continent. L'Afrique veut que ses régimes politiques se relaient, que les générations se succèdent au pouvoir, afin que l'avenir du continent, loin d'être monopolisé par une classe de personnes, soit celui de toutes les classes sociales, de toutes les ethnies, de tous les peuples d'Afrique. Nous ne voulons plus de transitions politiques ordonnées par les casernes. Si l'on a salué l'avènement de Moussa Dadis Camara au pouvoir en Guinée Conakry, c'est justement parce qu'il n'y avait pas de meilleure porte de sortie. Une classe de privilégies ayant déjà schématisé, avant de s'en servir, les mécanismes d’une "Contéisation" du système gouvernant après la mort du général président, Lansana Conté.
Monsieur Kadhafi, il y a dans les entrailles de l'Afrique, une jeunesse qui rêve d'un autre continent. Il y a dans cette jeunesse, un puissant fourmillement de liberté et démocratie qui dépasse vos bouffonneries les plus hardies. Ne continuez pas d'étouffer cette jeunesse, déjà au bord de l'asphyxie, et qui ne cherche plus qu'à quitter l'Afrique. N'est-ce pas vous qui comprimez ces jeunes en partance pour l'Europe. N'est-ce pas vous qui avez sacrifié leurs rêves (peu ou pas réalisables) d'aller en Europe au prix de quelques devises et contrats avec l'Italie? Tout indique en tout cas que vous n'êtes pas le bon leader, celui qui fera espérer les jeunes de notre continent, celui qui pourra canaliser leur potentiel, pour en faire des forces de progrès et de leaders de demain. Oui, la jeunesse d'Afrique, bouillonnante d'idées et d'intentions novatrices, rêve d'un autre continent. Un continent sérieux, où les chefs d'Etat se soucient de construire leur avenir. Pas d'un personnage qui, dans sa nostalgique vieillesse d'un projet manqué (d'ériger le panarabisme), s'est rabattu un projet similaire: le panafricanisme. Pas d'un chef qui soutient les coups d'Etat et les présidences à vie. En d'autres termes, vous n'êtes digne de présider l'Union Africaine.