samedi 10 mars 2012

Les mensonges des autorités autour d'un vol de bébé




Chaque jour qui passe nous donne le sentiment que le Cameroun est en train de devenir une vaste scène de théâtre où des acteurs mal inspirés - qui ont néanmoins le privilège de présider aux destinées du pays – mènent les populations en bateau et leur offrent une sinistre comédie. Voici environ 7 mois (c’était le 20 août 2011) que Vanessa Tchatchou, 17 ans, a perdu son bébé à l’hôpital gynéco-obstétrique et pédiatrique de Yaoundé. Il a fallu un impressionnant tapage médiatique pour que les autorités camerounaises daignent sortir de leur mutisme sur cette disparition de bébé. Et pour dire quoi ! La ministre des Affaires sociales, dont le rôle est de défendre les personnes vulnérables n’a rien fait d’autre que de dire qu’il n’y avait pas eu de vol de bébé. Pour sa part, le très loquace ministre de la Communication, qui n’en finit plus avec ses bourdes, a indiqué que le bébé de Vanessa avait été retrouvé mort à Nkoteng, un quartier de Yaoundé. Heureusement, même au théâtre, il a toujours des spectateurs pour s’interroger sur l’intérêt de la comédie. Quelques personnes éveillées ont fait remarquer deux choses : le bébé retrouvé mort à Nkoteng est un garçon alors que le bébé adopté par la magistrate Caroline Ndikum Mbenjang Atangana (soupçonnée à tord ou à raison d’avoir adopté le bébé volé de Vanessa) est une fille qui est née exactement au même moment que celle de Vanessa. Cloués aux piloris, les comédiens du gouvernement semblent donc avoir changé de stratégie. Ils ont monté un curieux scénario appelé « reconstitution des faits » pour voir comment cela s’explique qu’un bébé a disparu sans que les infirmières et responsables de l’hôpital ne s’en rende compte. De cette « reconstitution des faits », on apprend simplement que « les suspects ont été déférés et présentés à un juge d'instruction qui les a inculpé et placé en détention provisoire, du chef d'enlèvement aggravé de mineur, suivi de mort ». Qui sont les suspects ? Que disent-ils ? Pourquoi ne disent-ils pas la vérité sur la disparition du bébé ? Comme le ridicule ne tue pas, l’on a parallèlement engagé un autre scénario. Sous le prétexte de réaliser des tests ADN pour authentifier l’enfant de Vanessa, l’on a effectué de force, un prélèvement sur la petite de 17 ans. C’est ce prélèvement qui a permis d’aboutir au communiqué pour le moins amusant du procureur de la République près du tribunal de grande instance du Mfoundi. « Les tests d’ADN prescrits dans cette procédure et réalisés par des laboratoires spécialisés ont établi sans équivoque qu’il n’y a aucun lien de maternité entre l’enfant en vie et mademoiselle Tchatchou Vanessa ». Où ont été réalisés les tests ? Des quels « laboratoires spécialisés » parle procureur ? Pourquoi n’y a-t-on pas associé des journalistes ou des membres de la société civile qui se sont beaucoup impliqués dans cette affaire ? Des questions et bien d’autres que le procureur a superbement éludées. Dans la suite du communiqué, on peut lire : « les prélèvements effectués sur l’enfant décédé et inhumé à Nkoteng se sont heurtés à des difficultés d’exploitation en raison de l’état de décomposition avancée des restes mortels ». Incroyable ! Ainsi donc, ces « laboratoires spécialisés » n’ont pas pu réaliser des tests ADN sur un corps sous le prétexte qu’il est en état de « décomposition avancé ». Pourtant, en 1980, les simples cendres de crémation d’Anna Anderson, qui s’était passé pour être la grande-duchesse Anatasia Romanova de Russie, ont permis de montrer qu’elle n’avait aucun lien de parenté avec les membres restants de la lignée des Romanov. Certes, le communiqué du procureur précise que « dans le souci de la recherche de la vérité, le juge d'instruction a-t-il prescrit, par commission rogatoire, des nouvelles analyses dont les résultats sont incessamment attendus ». Cependant, qu’est-ce qui prouve que ces tests seront plus fiables ? Pourquoi ne pas faire toute la lumière sur le processus devant aboutir à ces « nouvelles analyses » ? Qui sont les membres de la commission rogatoire ? Pourra-t-on enfin effectuer les prélèvements sur le bébé retrouvé mort à Nkoteng ? Il persiste encore trop de mystère autour de l’affaire Vanessa Tchatchou. Le sentiment que suscite cette affaire est que l’on semble loin d’expliquer où est le bébé de Vanessa et s’il est vrai que l’enfant adopté par la magistrate Caroline Ndikum Mbenjang Atangana n’est pas cet enfant. L’autre sentiment est que l’on cherche à éviter de ridiculiser publiquement les autorités. Dire qu’il y a bel et bien eu vol de bébé à l’hôpital Gynéco-obstétrique, c’est reconnaitre que la ministre des Affaires sociales a menti. Reconnaitre que le bébé retrouvé mort à Nkoteng n’est pas celui de Vanessa, c’est avouer que le ministre de la Communication a menti. C’est définitivement s’embourber dans le mystère autour de cette affaire et prouver que le Cameroun est une République en otage.

Ce prélèvement forcé sur Vanessa a permis d’aboutir au communiqué pour le moins amusant du procureur de la République près du tribunal de grande instance du Mfoundi. « Les tests d’ADN prescrits dans cette procédure et réalisés par des laboratoires spécialisés ont établi sans équivoque qu’il n’y a aucun lien de maternité entre l’enfant en vie et mademoiselle Tchatchou Vanessa ». Où ont été réalisés les tests ? Des quels « laboratoires spécialisés » parle procureur ? Pourquoi n’y a-t-on pas associé des journalistes ou des membres de la société civile qui se sont beaucoup impliqués dans cette affaire ? Des questions et bien d’autres que le procureur a superbement éludées.