samedi 31 mars 2012

Mali : Un coup d’Etat inutile


Le chef de la junte

La semaine s’est achevée avec un basculement politique au Mali, jusqu’ici présenté comme un modèle de démocratie. Une petite bande de militaires avec à sa tête, le capitaine Sanogo Mamadou ont entrepris de déposer le président démocratiquement élu, Amadou Toumani Touré. En tout cas, au moment où nous mettions sous presse, la junte contrôlait la plupart des points stratégiques de la capitale politique. Ce coup d’Etat était-il nécessaire ? C’est la question centrale de cette réflexion. De prime abord, il convient de dire que pour nous, il y a des bons coups d’Etat. Dans un pays, lorsque l'horizon est bouché, lorsque l'alternance est interdite, lorsque la commission électorale ne fait pas consensus, lorsque le régime en place ne pense qu'à se perpétuer, même au prix d’une répression systématique, lorsque toute critique est bannie, lorsque les contrepouvoirs sont annihilés, lorsque le peuple n'a plus confiance dans le processus électoral, lorsqu'un dictateur ne veut pas organiser une alternance pacifique, lorsque la constitution d'un pays est chiffonnée, lorsque l'expression du peuple est superbement ignorée, lorsqu'un dictateur n'écoute que la voix de ses aspirations personnelles et celle de ses partisans zélés, un coup d’Etat est toujours salutaire.
Cependant, pour le cas du Mali, le président ATT était tout sauf un assoiffé du pouvoir. Il a effectué ses deux mandats que lui autorisait la constitution et, contrairement aux assoiffés du pouvoir qui pullulent dans le faune politique africaine, il s’était clairement engagé à partir à l’issue d’une élection qui était sensé se tenir en…avril. Soit dans un mois environ. Qu’est-ce qui a donc pu pousser ces militaires à faire partir un président au dessus de la mêlée de cette façon. Voici ce qu’en dit le nouvel homme fort du pays. « Je vous dis déjà, que depuis 50 ans malheureusement, les forces armées de sécurité ne sont pas dans des conditions minimales, n’ont pas la formation requise, n’ont pas le matériel adéquat pour faire face à l’intégrité du territoire national. Il y a défaillance, c’est d’un. De deux, en tant que soldat, au-delà de ta mission de défense de l’intégrité territoriale, nous sommes citoyens, conscients de la cherté de la vie. Il n’y a pas eu d’école depuis deux décennies. Tout le monde n’a pas accès aux soins de santé. L’équité n’existe pas, ça fait révolter. Les civils en ont réclamé, les gens ont parlé, les militaires pareil. C’est ce qui nous a emmenés à cet instant précis » a déclaré le capitaine au micro de Radio France Internationale (RFI). Or, on se souvient que dans la soirée du 21 mars, avant la formalisation du coup d’Etat, ces militaires affirmaient en vouloir au président ATT qui ne leur avait pas fourni assez de moyens pour combattre la rébellion au Nord du pays. Quand notre confrère lui demande « Ce n’est donc pas seulement à cause de la situation au nord du pays, pas le manque d’armes pour lutter contre les rebelles et les islamistes armés, que vous prenez le pouvoir… », Le capitaine répond : « Au fait, je m’en vais faire un point. Que le Malien et l’opinion internationale sachent ça. Je ne suis pas un homme de guerre directement. Bien que formé avec toutes les spécialités du combattant, il se pourrait qu’avec ce changement, bien des groupes qui sont citoyens de ce pays, observent de la patience pour savoir quelle sera la suite à donner. Je précise, je ne suis pas là pour, juste, m’équiper, équiper l’armée malienne et aller tuer tout sur mon passage. Je ne suis pas un homme de ce genre ». Il a joute même « Si la négociation (avec les rebelles, Ndlr) est sur cette table, demain matin, j’en serai heureux .C ’est ce que je souhaite parce que je veux un Mali uni et prospère pour le bien-être de tous ». Comment des gens qui voulaient des armes pour combattre les rebelles sont-ils maintenant disposés à discuter avec ces mêmes rebelles.
On peut faire le reproche au président déchu d’avoir été relativement faible en cette fin de mandat ace à une rébellion qui progressait rapidement, requinquée par l’arsenal récupéré en Lybie au terme de la guerre qui a vu la chute de Kadhafi. ATT avait au moins pris le soin de recevoir les familles des victimes tombées au champ d’honneur. Les militaires auraient pu manifester bruyamment, comme au Burkina Faso il y a quelques mois. Cela aurait suffi à édifier le président sortant ainsi que son prochain successeur. En faisant ce coup qui ne se justifiait pas vraiment, ils ont ramené le Mali très loin en arrière dans son processus démocratique. En outre, il faut même s’interroger avec notre confrère Lucie Pambou d’Africa 24 : « Comment peuvent-ils prétendre unifier le territoire alors que militairement, stratégiquement, les Touaregs sont plus forts que l’armée régulière et il est à craindre que les mutins de l’armée malienne deviennent des supplétifs des Touaregs en cas d’un accord inimaginable mais politiquement possible » ? Question pertinente à laquelle l’avenir nous donnera une réponse.