vendredi 12 décembre 2008

Eric M. Owona Nguini, Intellectuel et bourgeois authentique!


Fils de ministre, ll a refusé d’adhérer à la religion du luxe et de l'exubérance qu’il considère comme celle des parvenus

La position sociale de ses parents aurait pu lui procurer un train de vie épicurien. Mais, il a choisi sa trajectoire : celle des idées et de la science.

Ma mère me raaconte que lorsque j’étais bébé, je me plaisais très souvent à feuilleter les journaux et les magazines à la maison. Une atttitude pour le moins inhabituelle pour un être de cet âge là. Pourtant, et il Il le dit d’ailleurs lui-même : ma vocation était dessinée depuis l’enfance. Aujourd’hui encore, les livres et les écrits occupent la plus grande partie de son temps. C’est dire si sa trajectoire est sans ambigüité : il est un être intellectuel.
Né le 28 Février 1969 à Paris 13ème Mathias Eric Owona NGUNI fait l’essentiel de ses études maternelles, primaires, secondaires et universitaires au Cameroun. Le petit Mathias qui s’accoutume à la lecture de Jeune Afrique et du Nouvel Observateur dès l’âge de 6 ans n’a aucun mal à étudier ses leçons. Il engrange tous les diplômes de son exceptionnel cursus. En 1979, il décroche le Certificat d’Etudes Primaires et Elémentaires (CEPE), ceci, après avoir survolé la classe de CMI. Quatre ans plus tard, il obtient le Brevet d’Etudes du Premier Cycle (BEPC). En 1985, il est reçu au probatoire A4 Espagnol et complète son cursus secondaire avec un Baccalauréat A4 Espagnol. Il engage ensuite un parcours universitaire sans faute et glane une licence en Droit Public en 1989, un diplôme de Maîtrise à l’Institut d’Etudes Politiques de Bordeaux parallèlement à une Maîtrise en Sciences Politiques à l’université de Yaoundé II en 1990. En 1991 à 22 ans, il acquiert sans coup férir, un diplômes d’Etudes Approfondies (DEA) en Etudes Africaines. Un véritable marathon académique couronné par un doctorat de Science Politique Nouveau Régime qu’il soutient le 26 Septembre 1997 à Bordeaux IV avec la mention Très Honorable. Sa thèse de doctorat qui porte sur la sociogenèse de l’ordre politique au Cameroun, entre autoritarisme et démocratie est une gigantesque production intellectuelle de 1700 pages. L’université de Yaoundé II lui ouvre les portes en 1998. Il est recruté en Mars de cette année là et devient chargé de cours assistant en Juin de la même année. En 2000, il est promu chargé de cours. Scientifique de haut vol, il est extraodinairement fécond en nombre et en qualité pour ce qui est des publications scientifiques. Tellement nombreux, l’universitaire revèle qu’il est incapable de déterminer avec exactitude le nombre de ses productions scientifiques. Des articles scientifiques pour la plupart qu’il écrit avec « toute la puisssance » de son être. A-t-il des préférences pour quelques uns de ses travaux ? « Pas vraiment » répond t-il mais se dit tout de même fier d’avoir écrit sur « les juristes savants et l’Etat de droit » ainsi que sur « le pouvoir perpétuel en Afrique Centrale ».


Être un intellectuel total
C’est entre ses prestations académiques à l’université de Yaoundé II, les conférences qu’il anime au Cameroun et à l’étranger, les débats dans les médias nationaux et internationaux auxquels il participe, la Fondation Paul Ango Ela où il effectue des recherches qu’il passe le clair de son temps. Une véritable surcharge dans un emploi de temps très serré où il y a à peine de la place pour sa femme Hélène Laure avec qui il est marié depuis le 31 Décembre 2005. Celle-ci, conscient de ses passions et de sa vocation essaie de s’y adapter. D’ailleurs, son capital scolaire et intellectuel qui s’élève au niveau doctoral, l’amène à comprendre. Si Hélène Laure doit gérer les absences et les multiples occupations du docteur en Sciences Politiques, elle doit aussi gérer le caractère iconoclaste de ce conjoint qui s’illustre par des prises de position souvent incendiares vis-à-vis du régime gouvernant au Cameroun. En effet, Mathias Eric Owona Nguini est bien connu pour ses positions très critiques vis-à-vis du régime de Paul Biya. Une véritable rupture avec son père Joseph Owona qui est l’un des barons de ce régime. Entré au gouvernement en 1986 comme secrétaire général adjoint de la présidence de la République, Joseph Owona a été ministre à l'Education nationale, à la Santé publique, à la Jeunesse et Sports, au contrôle supérieur de l'Etat, à l'Enseignement supérieur. Il a aussi secrétaire général de la présidence de la République. Une très longue aventure dans le sérail qui prédispose Owona fils à faire preuve de complaisanse à l’endroit du régime de Paul Biya. Mais, le Doc tient à marquer son indépendance. Ce n’est pas parce que mon père était un hiérarque du système que je suis obligé de le suivre ou de reproduire sa propre trajectoire déclare t-il. Une indépendance d’esprit qui, on peut le présumer, n’est pas du goût de son père avec qui, les relations ne sont pas au beau fixe pour le moment. Et si certains l’accusent régulèrement de « s’être servi à la table du système », il répond sans ménagement que ceux qui tentent de l’intimider ou de le dissuader sont voués à l’échec. Pas même son épouse Hélène Laure ne pourrait réussir à influencer ses prises de position même si, reconnaît-il, elle le fait « par souci de protection de son conjoint ». Pour lui, un intellectuel doit exercer une fonction critique vis-à-vis de la société dans laquelle il vit. Une fonction critique qui l’expose pourtant à d’éventuels démêlées. Toutes choses qu’il ne craint pas. Je n’ai pas à craindre, j’ai à penser. C’est la puissance de la pensée qui me pousse. Ça veut dire que même si je veux trahir mes convictions, je ne pourrai pas le faire martèle t-il. A l’endroit de ses collègues universitaires qui font allégeance au pouvoir, il est particulièrement amer. Ce sont des courtisants lettrés, ce ne sont pas des intellectuels. Ils ne sont pas dotés d’une raison éclairante lâche t-il. Le doc tient à se démarquer et précise pour l’analyse : Au Cameroun, on s’attend à ce que les universitaires ne soient pas toujours critiques. On s’attend même à ce qu’ils soient notoirement complaisants. Cette intellectualité s’exerce par un militantisme de rue ou de terrain.
Le regard critique que jette Mathias Eric Owona Nguni sur la société camerounaise n’est pas orientée sur qui que ce soit en particulier aime t-il souvent rappeler. L’exercice de la critique vise à interpeller plutôt qu’à jeter l’anathème. Je n’en veux à personne en particulier souligne t-il, comme pour répondre à ceux qui penseraient qu’il est un opposant au président camerounais Paul Biya.


Un authentique bourgeois
Fils d’ancien ministre et d’ancien secrétaire général à la présidence de la République, Mathias Eric Owona Nguini étonne par ses allures et son mode de vie. C’est avec surprise que je le vois souvent dans un Taxi. On ne peut pas dire qu’il n’a pas les moyens de s’acheter une voiture s’étonne Simon, un étudiant. Pour Owona Nguini, la démarche est pourtant claire, ne pas céder à l’obsession du « fétichisme matériel ». si je roulais en Hummer, on dirait que c’est nous qui avons pillé le pays. Voilà que maintenant, on se plaint de me voir emprunter les taxis. Avec un peu d’effort, je peux m’acheter une voiture. Pour Owona Nguini, c’est une attitude normale pour lui de dominer les besoins matériels et basiques. Une attitude qu’il rattache à ses orignines bourgeoises. « Sans prétention aucune et sans modestie surfaite, je crois que je fais partie de la première génération camerounaise des bourgeois authentiques au sens de Weber ». Au sens de Weber explique t-il les bourgeois authentiques sont ceux qui, de part leurs origines aisées, ne s’intéressent plus aux biens matériels. Moi, je ne suis pas obsédé par le fétichisme des biens matériels et de consommation clame t-il. Pour lui, ceux qui s’illustrent par un étalage notoire de leur richesse sont des parvenus. « Ce sont des gens qui ont vécu la menace de la pauvreté et ont peur d’y retourner » analyse t-il, ajoutant que, une bonne partie de notre élite a des origines prolétaires mais n’en a pas moins développé l’arrogance d’une classe de parvenus. Une carrière politique ou administrative en vue? Le doc n‘en rêve pas. « Je suis un esthète, un stratège, un organisateur, un penseur. Je ne suis pas formaté pour être un homme patrimonial de bureau » répond t-il sans hésitation.
La pertinence des analyses sur les questions de droit, de sociologie et de politique tant nationale qu’internationale, lui ont valu d’être un interlocuteur de choix, très sollicité par les médias En effet, il ne se passe plus une seule semaine sans que sa voix déjà bien connue au Cameroun ne résonne dans la champ médiatqiue national et même international. Mais, Mathias Eric est surtout réputé pour sa parfaite maîtrise de la langue française et singulièrement pour les pirouettes sémantiques qu’il sert régulièrement à ceux qui l’écoutent. Il appelle cela un « ton seigneurial ». Certains apprécient et sont même subjugués par la dextérité langagière de cet universitaire dont l’art oratoire fascine, d’autres auditeurs et lecteurs par contre trouvent que son style est trop aérien et que ses propos sont très peu accessibles. A ceux là, il répond : Quand j’écris, je le fais avec toute la puissance de mon être. C’est pourquoi, mon écriture peut paraître plus exigeante. C’est aussi parce qu’elle exprime la subtilité et la complexité de mon regard sur le monde. C’est parce qu’elle est enfin la trace d’une vaste culture qui s’est forgée en moi. D’ailleurs, le doc dit être « sur terre ». « J’ai été élevé avec une fibre populaire et même populiste. Ce qui veut dire que je n’ai pas du mépris ou regard paternaliste sur les gens ordinaires. » Une modestie qu’il doit en grande partie à ses parents qui ne l’ont jamais coupé des racines.
Quoi qu’il en soit, Mathias Eric est un personnage atypique qui est, et sera, éternellement rattrapé par le brillant parcours politique et administratif de son père et surtout l’appartenance de celui-ci au régime politique actuel. Même si l’option de démarcation sociale et idéologique qu’il a choisie est parfaitement visible, ses orgines bourgeoises continuent d’être le prisme à travers lequel la société le regarde. Il se demande régulièrement s’il pourra s’en départir.

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