vendredi 12 décembre 2008

Brice Hortefeux au Cameroun : Les leçons d'une visite


La venue " sur invitation " du ministre français de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire au Cameroun suggère au moins deux choses : D'un côté, les réseaux du pouvoir de Yaoundé s'activent pour opérer un rapprochement avec le nouveau pouvoir français, d'un autre côté, la France tente de rattraper la vitesse qu'elle est en train de perdre dans son " pré carré " par une volonté de " rupture " maintenant rompue. Décryptage.


Depuis son arrivée au pouvoir, Nicolas Sarkozy manifeste très peu d'intérêt pour les pays d'Afrique centrale qui abritent la plupart des vieux caïmans de la Françafrique. Même le président Omar Bongo, " ami " du nouveau président français n'a pas pu avoir le privilège d'être le premier président africain reçu au palais de l'Elysée (il a effectué cette visite 19 jours après l'élection du président français). Il a été devancé par Ellen Johnson, première femme présidente d'Afrique, dont l'élection à la tête du Libéria a été saluée dans les milieux occidentaux. Pire, Sarkozy dans ses discours annonçait la " rupture " et le démantèlement de la Françafrique. Le locataire d'Etoudi qui a pris fait et cause de cette situation aurait alors commencé à nouer des réseaux pour " se rapprocher " du nouveau pouvoir français. Car, le chef de l'Etat camerounais a toujours bénéficié des faveurs des présidents français, que ce fut François Mitterand ou Jacques Chirac. Ainsi a t-on vu arriver Patricia Balme dans couloirs de la communication présidentielle. Un choix hautement stratégique tant il est vrai qu'elle serait proche du nouveau pouvoir français. En outre, le président camerounais s'est déplacé personnellement - fait historique - pour se rendre à la fête nationale gabonaise. En fait, d'après certains scrutateurs du sérail camerounais, il s'agissait de parachever la négociation entreprise par Omar Bongo pour obtenir la visite de Paul Biya à l'Elysée. Une visite qui a finalement eu lieu le 26 Octobre 2007 et donc le triste souvenir a dû hanter pendant longtemps le fils de Mvomeka'a (il n'a eu droit qu'à quelques minutes de conversation avec Nicolas Sarkozy avant d'être " laissé " avec Bernard Kouchner, et finalement Rama Yade). Deux mois plus tard, à l'occasion de la présentation des vœux par les membres du corps diplomatique accrédités à Yaoundé, Paul Biya annonçait triomphalement " la visite prochaine " de Nicolas Sarkozy au Cameroun. A défaut de cette visite, l'on peut interpréter le séjour de Brice Hortefeux au Cameroun comme un fruit des démarches souterraines du pouvoir camerounais pour être en odeur de sainteté avec le maître français. Il y aurait cependant une autre raison : La prise de conscience de ce que, la France est en train d'observer un recul diplomatique dans ses anciennes colonies.

Réactivation de la machine Françafricaine

Le discours séducteur sur la " rupture " n'a pourtant pas résisté à l'épreuve des faits. En effet, malgré les protestations et les bruyantes colères de certaines organisations non gouvernementales, Omar Bongo Paul Biya, et autres barons de la Françafrique, ont été reçus par Nicolas Paul Stéphane Sarkozy. Autre fait symbolique. Jean Marie Bockel a été débarqué du ministère de la coopération pour avoir demandé que soit signé " l'acte de décès " de la Françafrique. Un limogeage dont certains caïmans comme Omar Bongo se sont ouvertement réjouis. Et probablement le président Biya qui déclarait sur France 24 que la rupture dont parle Nicolas Sarkozy est " une rupture dans la forme ". L'acte, en tout cas, a permis de comprendre que " la rupture " est en voie de rupture. Bien avant, la visite du Groupe Bolloré - dont le patron est un ami du président français - à la fondation Chantal Biya, indiquait bien que les affaires vont prévaloir sur la volonté de changement que tente d'impulser Nicolas Sarkozy. En terme d'affaires, de gros contrats industriels dans les secteurs miniers et énergétiques ont récemment échappé à la France, partenaire traditionnel du Cameroun pour prendre la destination des Etats-Unis. De plus, l'offensive économique et commerciale de la Chine au Cameroun sont autant d'éléments qui ont sans aucun doute contribué à réveiller le pouvoir Français pour lui faire comprendre que son influence au Cameroun est en train de s'éroder. A coup sûr, la France n'entend pas se laisser supplanter passivement dans les pays qui ont été jusqu'ici leur chasse gardée. Des sources bien informées rapportent que le président Français pourrait donc venir au Cameroun avant la fin de l'année 2008. Une manière sans doute de montrer aux autres partenaires du Cameroun que la France n'est pas en perte de vitesse dans les pays de son pré carré.
Manifestement se rebâtit sous nos yeux, avec subtilité et adresse, " la Françafrique version Sarkozy ".

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