samedi 6 avril 2013

RCA : Empêcher Djotodia de se cramponner au pouvoir

Sous la présidence du Tchad, les chefs d’Etat d’Afrique centrale ont proposé d’écourter la transition. Ce sera 18 mois. Pas plus ! Le récent sommet de la Communauté économique des États d'Afrique centrale (Ceeac) a demandé la formation d’un « collège » de transition, sur la base d’une élection « par les forces vives de la nation », avec à sa tête un président qui serait élu pour une période qui « ne doit pas excéder 18 mois ». Il est à peu près certain que Michel Djotodia présidera ce collège de transition. Il a déjà annoncé cette intention. « Je demande à Dieu tout-puissant de me donner la force et l'intelligence à moi et mon Premier ministre (...) de bien gérer la Centrafrique pendant les trois ans à venir. Nous allons remettre le pouvoir à celui qui viendra nous succéder ». Sauf si, souhaitant être candidat à la prochaine élection, il décide de laisser cette responsabilité à quelqu’un d’autre. Le format de ce type de transition ne permettant généralement pas à celui qui tient les rennes d’être candidat. Mais il reste à savoir si le nouvel homme fort de Bangui prendra ce risque. Il s’agit en effet d’un risque. S’il décidait de céder – même provisoirement – le fauteuil à quelqu’un d’autre, il n’est pas certain que cette personne résiste longtemps à la tentation et à l’ivresse du pouvoir. Ce n’est pas tous les jours qu’un attelage du type Poutine-Medvedev fonctionne. Ce n’est pas non plus tout le monde qui renonce au pouvoir et accepte de se plier à l’autorité de son successeur. Le pouvoir, avons-nous souvent coutume de dire, est l’une des drogues les plus puissantes au monde. Pour réussir la transition, il faut donc déjà que la pression se fasse avec suffisamment de fermeté sur Michel Djotodia. Certes, il a déclaré : « Nous allons remettre le pouvoir à celui qui viendra nous succéder ». Mais, combien de fois a-t-on entendu des putschistes le dire, avant de se dédire ? Combien de fois a-t-on vu nos chefs d’Etat africains annoncer qu’ils ne modifieront pas la constitution pour s’éterniser au pouvoir mais, ont fini par le faire ? Preuve que Michel Djotodia a bien eu l’intention d’y rester un instant, il a annoncé qu’il allait renégocier certains contrats miniers signés sous l’ère Bozizé. Quand on vient au pouvoir pour restaurer la démocratie, dans une période de transition, on se préoccupe d’abord de réorganiser les institutions et les lois qui vont générer un pouvoir consensuel et crédible. Mais, quand on commence à parler des contrats sur les ressources du pays alors même que les cadavres des victimes du coup d’Etat jonchent encore les rues, c’est inquiétant ! Il faut donc tenir un langage de fermeté à Djotodia. S’il veut, il peut être candidat à l’occasion d’une prochaine élection présidentielle. Mais, ça ne doit pas être tout de suite. Ceci étant dit, il ne faut pas se faire d’illusions. En ce moment à Bangui, c’est lui le boss. Avec plusieurs milliers d’hommes acquis à sa cause, il pèse lourd. C’est pourquoi, il est nécessaire que ce soit lui qui gère la transition. Le temps fera son effet. L’usure s’imposera. Ses partisans civils comprendront bien qu’il n’a pas de baguette magique pour améliorer les conditions de vie de tout le monde. Ses soutiens militaires se rendront bien compte que le gâteau national ne peut satisfaire à satiété tout le monde. Surtout dans un pays qui ne pourra pas – pour le moment en tout cas – tenir longtemps sans perfusion internationale. Cela est nécessaire. Ce n’est pas simplement pour des besoins de cosmétique démocratique. C’est aussi pour l’intérêt de la Centrafrique qui doit rompre avec ce cycle maléfique de coups d’Etat en permanence. Empêcher Djotodia de se cramponner au pouvoir, c’est dire à tous les futurs putschistes que même quand ils parviennent à s’emparer du fauteuil présidentiel, ils n’ont aucune garantie qu’ils pourront le conserver. L’Afrique n’a plus besoin des scènes rocambolesques des gens qui peuvent débarquer dans des capitales à bord des engins militaires et s’autoproclamer présidents. Pour cela, il faut donc leur envoyer des signaux. Et, l’on a une belle occasion en Centrafrique. Evidemment, ceux des présidents en fonction ne doivent pas s’imaginer qu’ils peuvent se cramponner au pouvoir et bénéficier éternellement de l’indifférence des peuples. En politique souvent, les conflits peuvent s’avérer nécessaires pour réguler l’ordre gouvernant. Beaucoup parmi eux le savent. Chacun sait comment il est arrivé au pouvoir et comment il fait pour y rester.

mardi 2 avril 2013

Idriss Déby, nouveau patron de l’Afrique Centrale ?

Depuis la mort de l’ancien président gabonais Omar Bongo Ondimba, la sous-région Afrique Centrale se cherche toujours un leader. Mais, il apparait de plus en que le président tchadien, Idriss Déby Itno, est en train d’endosser le costume du feu Omar. C’est du moins l’impression qui se dégage des récents événements en République Centrafricaine. En effet, pendant les négociations entre la Séléka et l’ancien gouvernement de François Bozizé, le Tchad a joué un rôle de premier plan. Selon des indiscrétions, l’influence de Déby aura été décisive pour convaincre Bozizé de faire des concessions. Par exemple, de renoncer à un nouveau mandat en 2016. En outre, il faut bien dire que les hommes de François Djotodia ne seraient probablement pas entrés dans la capitale du pays si les soldats tchadiens et, plus largement, ceux de la FOMAC s’y étaient fermement opposés. Selon RFI, « Quand la Seleka a lancé sa première offensive sur Bangui, en décembre, les militaires tchadiens étaient intervenus. Principe de précaution, Ndjamena soupçonnait Michel Djotodia d'entretenir de bonnes relations avec la rébellion tchadienne. Mais dès janvier, le régime tchadien avait obtenu des chefs de la Seleka l'assurance que Bangui ne deviendrait pas la base arrière des opposants à Idriss Déby. Ce qui explique aussi pourquoi cette fois, les militaires tchadiens sont restés l'arme au pied ». Qui a donc décidé de lâcher Bozizé ? Certains observateurs, peut-être un peu trop obnubilés par le rôle historique de la France en Afrique, ont tôt fait d’y voir la main des autorités de Paris. Mais, objectivement, qui mieux que Déby, parrain reconnu de Bozizé depuis 2003, aurait pu influencer de façon décisive le cours des événements ? Pas l’Afrique du Sud en tout cas. Les tentations hégémoniques de Jacob Zuma (qui a réussi à imposer son ex-épouse à la présidence de la Commission de l’Union Africaine) et le déploiement des troupes sud-africaines à Bangui, n’a rien fait d’autre que d’irriter Déby et certains de ses pairs d’Afrique centrale. François Bozizé a commis l’irréparable erreur de croire que l’Afrique du Sud avait bétonné son pouvoir. Il en sort humilié, Jacob Zuma en sort fragilisé et, c’est Déby qui peut trinquer. En effet, plusieurs analystes politiques de l’Afrique centrale observent que le président tchadien vient de montrer qu’il avait l’étoffe pour assumer le vide laissé par Omar Bongo. En tout cas, voici ce que pense le Camerounais Shanda Tonme, écrivain et éditorialiste. « Je constate que c'est le Tchad qui joue les premiers rôles dans la sous région et qui projette une influence décisive sur les grandes questions. Nous (Cameroun, Ndlr) sommes totalement absents. Non seulement nous ne disposons plus de moyens logistiques conséquents pour un tel rôle, équipements militaires, troupes entraînés et bien équipés, stratèges conséquents, mais plus grave, la volonté humaine et psychologique est absente ». De fait, il faut dire que tout cela n’est pas pour déplaire aux grandes puissances. Au moment où les Etats s’émancipent de plus en plus, les grandes puissances ont besoin des blocs régionaux qui soient assez fédérateurs et représentatifs. Quand ils y trouvent des interlocuteurs, il leur est plus facile d’agir discrètement. Sans heurter les sensibilités nationalistes qui peuvent se manifester ça et là. Un schéma parfait pour les autorités françaises qui n’ont plus d’autre choix que d’afficher – ne sait-que par convenance – leur volonté d’en finir avec la françafrique. Heureuse coïncidence de l’histoire, au-même moment, le Tchad est en train de réaliser des prouesses militaires au Mali. Ce qui ne fait rien d’autre que renforcer son prestige diplomatique. Déby peut-il en être fier ? Oui évidemment ! Le Tchad s’affirme de plus en plus comme une puissance en Afrique. Et améliore son image, laissant derrière lui les tristes souvenirs d’un pays chroniquement en guerre, avec son cortège de morts. D’un point de vue personnel, Déby devient sans aucun doute un interlocuteur privilégié des grandes puissances en Afrique centrale. A l’image de Blaise Compaoré en Afrique de l’Ouest. Le président tchadien peut donc envisager le fait que son pouvoir sera plus stable. Mais, pour cela, il faudra aussi qu’il serve lui-même d’exemple car, c’est tout le monde qui va désormais l’observer. Tout un challenge !