vendredi 24 février 2012

Alternance politique : Quand la Chine nous parle


Un président et son successeur en bonne intelligence, une scène rare en Afrique


Dans l’imagerie populaire internationale, la Chine est une dictature. Les médias ne sont pas vraiment libres, la liberté d’expression est rationnée et le multipartisme est contrôlé. Chaque fois qu’il y a une crise dans le monde, la Chine se range contre les occidentaux et vole au secours des dictateurs assoiffés de pouvoir qui n’hésitent pas à marcher sur des centaines de cadavres de leurs compatriotes pour conserver le pouvoir. La Chine semble donc soutenir les dictateurs mais les dirigeants chinois sont très intelligents. Ils savent que le déficit de liberté qu’ils ont réussi à imposer jusqu’ici ne durera pas éternellement. D’abord parce qu’une partie de la population continuera à lutter pour la démocratie et les droits de l’Homme mais aussi parce que partout dans le monde – avec l’appui acharné des Occidentaux – les choses bougent. Qui eût cru que Thédoro Obiang Nguema ou Bashar Al- Assad auraient pensé un jour à inscrire la limitation des mandats dans les constituions de leurs pays ? Et pourtant, le Guinéen l’a fait et, le Syrien est en passe de le faire. Oui, la limitation des mandats présidentiels n’est pas « une limitation à la volonté populaire ».
Les dirigeants chinois sont intelligents. Ils savent que l’alternance est une exigence fondamentale pour assurer le progrès et le développement d’un pays. Ce qui se passe en ce moment au Gabon (le pays est en train de connaitre une petite révolution économique) démontre bien les vertus du changement. Les dirigeants chinois sont assez intelligents pour ne pas laisser reproduire chez eux, ce qu’ils défendent ailleurs. Ils savent qu’un seul dirigeant qui s’accroche au pouvoir pendant plusieurs décennies commence à être victime de sclérose. Ils savent qu’il ne faut pas laisser trop longtemps au pouvoir un homme car, il finit par être perçu comme un Dieu dont certains collaborateurs se considèrent comme des esclaves. Il finit par prendre le pays pour sa propriété privée et, ses collaborateurs comme des objets pensants dont il peut faire et défaire les destins. Les dirigeants chinois savent qu’un nouveau dirigeant qui arrive apporte avec lui une cargaison de projets et un ensemble de rêves qu’il essaie de réaliser pour faire mieux que son prédécesseur. Et, un changement fréquent de dirigeant au sommet de l’Etat entraine le pays dans un cycle d’évolution suffisamment dynamique. Alors, les dirigeants chinois ont décidé depuis 1982 d’inscrire dans leur constitution, un mandat présidentiel de 5 ans renouvelable une seule fois. Et, cela a porté des fruits. Comme nous le relevions ici dans notre édition N° 059 du 1er août 2011 (voir photo), il y a eu quatre présidents en Chine depuis 1982. Depuis l’arrivée de Paul Biya au pouvoir. En octobre prochain, il y aura renouvellement au sein du parti communiste chinois. C’est depuis maintenant deux ans que l’on sait qu’une « cinquième génération » de dirigeants chinois verra le jour. Véritable cœur du pouvoir, le bureau politique du Parti communiste chinois (PCC) va renouveler ses neuf (9) membres permanents lors de son 18e congrès, en octobre 2012. Seuls Xi Jinping et Li Keqiang, successeurs désignés du président Hu Jintao et du Premier ministre Wen Jiabao, resteront en place. Xi Jiping ! Le nom vous dit peut-être quelque chose. Il a été sous les feux de l’actualité la semaine dernière à l’occasion de sa visite aux Etats-Unis. Xi Jinping, 59 ans, a été minutieusement préparé à la gestion du pouvoir par le PCC pour succéder à Hu Jintao. Depuis le 15 mars 2008, Xi Jinping est le vice-président de la République populaire de Chine. Xi Jinping a été chargé de superviser l’organisation des Jeux olympiques de Pékin, en août 2008, puis celle de la célébration du 60e anniversaire de la République populaire, le 1er octobre 2009. En octobre 2010, il a été nommé vice-président de la Commission militaire centrale du PCC. Une nomination qui achevait de consacrer son ascension vers le pouvoir suprême. Le contrôle de l’armée étant la dernière clé qui ouvre les portes du pouvoir. En octobre 2012, il prendra le secrétariat général du parti et succédera de facto à Hu Jinato à la tête du PCC et de l’Etat. Les dirigeants chinois sont trop intelligents pour laisser la place au hasard. Ils ont préparé l’ascension de leur futur leader qui a gravi échelle après échelle, au su et au vu de tous, les marches du pouvoir. Selon un canevas bien précis qui permettra aussi d’avoir une lisibilité sur l’émergence du futur président chinois entre 2012 et 2022. Pour en finir, il ne faut pas croire que la contradiction n’existe pas au sein du PCC. Il y a même deux tendances au sein du parti. Il y a la faction des « Princes rouges » constituée des enfants des anciens du régime. Xi Jiping est le chef de file de cette faction. Il y a une autre faction : celle de la Ligue de la jeunesse communiste chinoise dont le chef de file est l'actuel président Hu Jintao.
Chez nous, on ne peut que s’intteroger. L’on est en train de faire incarcérer tous ceux qui, au sein du parti, ont des ambitions présidentielles. Paul Biya est en train de brouiller plus que jamais les pistes de la succession. Il a retiré le secrétariat du parti au pouvoir à René Sadi pour le confier à un septuagénaire sans ambitions. Le couperet de la justice pèse sur Marafa Hamidou Yaya, l’autre dauphin présumé. A 79 ans, Biya semble n’être préoccupé que par une seule chose : conserver le pouvoir à tout prix. Avant de mettre un terme à cette réflexion, je vous renvois cette question qui me hante l’esprit : pourquoi parmi les grandes puissances économiques du monde, il n’y en a aucune où le détenteur du pouvoir exécutif n’est aux affaires depuis plus de 20 ans ?

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